Genèse
et mise en place d'une idéologie extrême
étude de la montée de la barbarie nazie de 1933
à 1942
au travers des lieux qui ont marqués l'Histoire
La nomination de Hitler
comme chancelier du Reich par le maréchal Hindenburg,
le 30 janvier 1933 fut le point de départ de toute la
cruauté et la barbarie nazie.
Le troisième Reich a mis un point d'honneur à
"l'aryanisation et la purification du monde", pour
cela la violence et la terreur furent employées et ont
atteint leur apogée à cette période, avec
en particulier les massacres juifs et les tristement célèbres
camps de concentration.
Ce voyage nous a replongés
au cur de cette tragique période et nous a fait
découvrir l'inimaginable. En effet, la mobilisation et
la volonté de tous nos professeurs nous ont permis de
visiter de nombreux et émouvants lieux d'exposition de
ces affreux souvenirs. Ainsi nous avons parcouru l'Europe à
la recherche de ce passé enfoui, dans le cadre du projet
du devoir de mémoire.
Plus précisément
nous nous sommes rendus au musée de la terreur, au musée
de la résistance au nazisme ainsi qu'à la maison
de la conférence de Wannsee à Berlin, au quartier
juif de Prague, au musée de l'histoire et de la culture
judaïque à Vienne, au camp de concentration de Mauthausen
et pour finir à Nuremberg, au centre de documentation.
Nous nous sommes replongés dans l'Histoire et avons découvert
chronologiquement ce qui s'y était déroulé
en commençant aux débuts du nazisme avec le musée
de la Terreur, puis la résistance, puis le camp de concentration
et enfin le procès de Nuremberg.
En plus de ce passionnant
voyage riche en émotions nous avons eu la chance de recevoir
le témoignage direct de Gilbert Noailles, ancien déporté
du camp de Sachsenhausen (Allemagne). C'est, avec le camp de
Mauthausen, les éléments qui nous ont le plus
émus et le plus marqués.
Le musée
Le musée
de la résistance
de Berlin nous a été présenté comme
le lieu de la mémoire de tous les allemands qui ont osé
se dresser contre l'ordre nazi. Une résistance qui se
présentait sous diverses manières (refus de faire
le salut nazi, impression de tracts, action directe
) et
dont l'issue était la mort immédiate ou l'enfermement
dans des camps spéciaux de rééducation
nouvellement construits : les camps de concentration...
Ce musée a été aménagé au
cur du Bendlerblock qui abrita le Ministère de
la marine, puis le siège du commandement de l'armée
de terre. Le Bendlerblock devint alors le centre de la résistance
militaire, dirigé par le général d'infanterie
Olbricht. C'est ici que Olbricht et que le colonel von Stauffenberg
transformèrent le plan d'opération "Walkyrie"
en un plan de coup d'Etat contre Hitler, le 20 juillet 1944.
Hitler ayant survécu à l'attentat avec quelques
blessures légères seulement, le régime
put réprimer violemment ce coup d'état. Après
l'arrestation des conspirateurs au Bendlerblock, le général
d'armée Beck fut contraint de se donner la mort. Cette
même nuit, Olbricht, von Stauffenberg et d'autres résistants
furent exécutés sommairement dans la cour intérieure
du bâtiment.
Au cur de cette résistance,
nous avons été frappés par l'histoire de
Georg Elser, jeune menuisier, qui fut un des premiers à
se révolter. Dès 1938, il était contre
la guerre et pensait pouvoir l'empêcher en tuant Hitler.
Son plan était de faire exploser une bombe dans la brasserie
Bürgerbräukeller de Munich le 8 novembre 1939, là
ou Hitler célébrait tous les ans l'anniversaire
de sa tentative de putsch en 1923.
A vingt minutes près la tentative échoua. Georg
Esler fut arrêté puis déporté à
Dachau, où il fut exécuté le 9 avril 1945,
quelques semaines avant la capitulation allemande.
Dachau
C'est également là
que nous avons découvert la résistance de jeunes
étudiants, à peine plus âgés que
nous : le réseau de la Rose Blanche. Organisé
autour d'Alexander Schmorell, de Sophie et d'Hans Scholl, ce
groupe d'étudiants s'est élevé contre le
régime totalitaire et l'asservissement des esprits imposés
par la dictature, en imprimant des tracts et en traçant
des slogans antifascistes sur les murs de Munich. Ils furent
dénoncés, arrêtés par la gestapo
et exécutés en 1943.
Cette visite fut intéressante
et instructive bien qu'elle ne fût pas riche en émotion.
L'exposition est constituée de photos-amateurs et non
de propagande, elles n'avaient donc pas pour but de diriger
les opinions de l'époque.
Par la suite nous nous sommes
rendus dans la banlieue de Berlin, à la maison de la
conférence de Wannsee dans laquelle a été
décidé la solution finale le 20 janvier 1942.
Cette décision a eu pour but l'extermination totale des
juifs dans les camps de concentration, qui devinrent alors des
camps de mort. Quand on se trouve dans cette salle on a du mal
à imaginer que des années auparavant, d'autres
personnes ont décidé d'exterminer leurs semblables,
que des gens ont estimé avoir droit de vie ou de mort
sur un peuple qu'ils jugeaient inférieur.
Dans cet endroit on a pu
découvrir les visages des participants à cette
conférence, des personnes qui à première
vue semblent banales mais qui sont pourtant capables d'une immense
cruauté comme Heydrich. Il fut chargé par Göering
de préparer la "solution finale de la question juive
en Europe", soit l'extermination de plus de 11 millions
de personnes. Ce 20 janvier 1942, les exécutions de masse
avaient commencé depuis 6 mois en URSS et le camp de
Chelmno, le premier camp d'extermination était déjà
en activité.
Le génocide
L'ordre du jour de cette
réunion est le plan du génocide dans sa dimension
européenne. Pour la première fois les principaux
représentants de la bureaucratie ministérielle
et de la SS se rencontrent. Le but d'Heydrich est d'affirmer
son rôle de chef des Services centraux de la sécurité
du Reich mais aussi de s'assurer de l'indispensable collaboration
de tous les ministères dans cette funèbre entreprise
. A la surprise d'Heydrich, la solution finale ne fut remise
en cause par personne, tous les ministères accordèrent
leur bénédiction.
Le délégué
du Ministère des affaires étrangères proposa
de commencer les déportations dans les pays susceptibles
d'offrir des conditions favorables. Quand au délégué
du Gouverneur Général de Cracovie, il insista
pour que la "solution finale" commence par les juifs
de Pologne.
Comme le confirma Eichmann, lors de son procès, tous
(sauf deux Secrétaires d'Etat) étaient au courant
des déportations et des exécutions massives et
tous parlèrent ouvertement des différentes techniques
d'extermination.
Après la visite de
cette ville allemande, nous avons repris la route en direction
de Prague, capitale de la République Tchèque où
nous avons découvert les ruelles du quartier juif. Nous
avons pu entrer dans deux synagogues, dont celle de Klausen
qui nous a particulièrement touchés. En effet
à l'intérieur de celle-ci, les murs sont recouverts
de noms de juifs tchèques morts durant la guerre. Une
salle est destinée aux victimes praguoises et le reste
des murs est dédié aux victimes des villages alentours.
Cette masse de noms nous replonge dans l'ampleur du massacre
de la tyrannie allemande.
Le vieux cimetière
juif de Prague est rattaché à cette synagogue.
La disposition des tombes dans celui-ci est très surprenante
car tout semble éparpillé, désorganisé,
surchargé comme si il y avait eu trop de morts d'un coup,
et que la place avait fini par manquer.
Notre visite de Prague achevée
nous sommes remontés dans le bus et avons poursuivi notre
route vers la magnifique ville de Vienne, capitale de l'Autriche.
En cette ville où l'architecture particulièrement
somptueuse nous a frappés, nous avons visité le
musée juif. Ce dernier nous présente les objets
de la vie de tous les jours dans la culture juive, et principalement
les objets rattachés à la Torah, livre sacré
dans cette religion.
Dans ce musée original
nous avons tous été marqués par l'émouvante
histoire de Lili. Cette petite fille de cinq ans qui, en 1939
a été envoyée en Angleterre par sa mère
afin d'échapper au nazisme. Ses parents ont été
déportés quelques mois après et ne sont
jamais revenus des camps de concentration. Le musée était
en possession d'une boite confectionnée par la mère
de la petite fille, à l'attention de cette dernière.
Le musée s'est donc lancé à la recherche
de Lili.
Elle a enfin été retrouvé en 2003 mais
a refusé de voir cette boîte car elle avait essayé
durant plus de soixante années d'oublier ce passé.
Elle a finalement repris contact avec le musée de Vienne
en demandant seulement de voir le journal intime de sa mère,
elle a fait don du reste au musée. Cette histoire nous
montre bien l'impact de cette période sur les familles
et le ressentiment qu'il en reste aujourd'hui. A la sortie de
ce musée toutes les discussions se dirigeaient vers cette
histoire, et les réactions de Lili qui étaient
parfois comprises et d'autres fois moins.
Après la visite de
Vienne nous sommes arrivés à l'étape la
plus éprouvante du voyage : Mauthausen, le camp de mort.
Nous sommes descendus du bus, les pas se faisaient plus hésitants,
et l'appréhension pouvait se lire sur les visages. Le
froid, le vent et la pluie n'arrangeaient rien aux craintes
collectives. Nous nous sommes dirigés vers les portes
du camp, et c'est à ce moment-là que des images
ont commencé à apparaître dans nos têtes,
des images que l'on avait déjà vues mais qui prenaient
alors tous leurs sens.
La visite du camp a commencé
D'abord un film nous a expliqué
la construction, l'organisation puis la libération des
camps. Des images frappantes, choquantes voire même parfois
écurantes.
Après, le musée, une multitude de photos montrant
des corps amaigris, de la tristesse dans les regards, des expériences
menées sur les prisonniers, des cuves de ce gaz meurtrier
bref des photos et des explications qui nous replongent dans
l'atmosphère cruelle du nazisme.
Ensuite on s'est dirigé vers les baraquements. Des couchettes
étroites, qui paraissent à la limite du convenable
pour une personne. Mais on apprend que c'est une place pour
trois voire quatre
Des pièces que les nazis osaient
appeler " douches ".
En réalité
des espaces insalubres, avec des trous pour faire sortir l'eau
à hauteur de ventre, avec des " éviers "
vétustes. Autre découverte : l'eau. Cette dernière
n'était chauffée que pour les SS, pour les prisonniers
l'eau était glacée, quand ils en avaient
Là d'autres images
apparaissent, celles-là plus issues de nos esprits plutôt
que de film.
Puis la zone de quarantaine.
Enfin ce qu'il en reste puisque celle-ci a été
transformée en fosse commune
Dans cette zone étaient
" accueillis " les nouveaux arrivants. Ils étaient
confinés dans cet espace pendant plusieurs jours voire
plusieurs mois afin de les soumettre à la discipline
de fer appliquée dans les camps. Bien que ce lieu ne
soit plus visible aujourd'hui on s'imagine à la place
de ces victimes, les unes sur les autres, sans abri pour se
protéger du froid, du vent, de la pluie ou de la neige
Enfin dernière étape, la plus dure : les fours
crématoires et la chambre à gaz. Les SS entassaient
dans cette dernière cent personnes, dans un espace de
seulement 14m², avant de déclencher le processus
de gazage. Quand on rentre dans cette pièce, identique
à une salle d'eau, on peut presque entendre les cris
de douleur et d'angoisse du passé. Une sorte de malaise
général pèse sur les lieux, chacun semble
voir des milliers de personnes mortes, ou s'agrippant désespérément
au mur. Le moindre bruit paraît incongru et inopportun.
On peut voir également dans ce terrible sous-sol, la
salle de dissection et sa table de pierre. Ici on arrachait
les dents en or des cadavres avant la crémation. On y
découpait même les peaux marquées de jolis
tatouages afin de confectionner des abat-jour.
Ce sont ces visions d'horreur
qui nous traversent l'esprit, ces choses indescriptibles tellement
elles sont atroces
On se dirige alors vers les fours crématoires,
où des témoins de l'histoire sont tragiquement
partis en fumée à cause de la folie de certains
hommes. Nous sommes sorties les dernières de ce lieu,
nous étions comme paralysées, choquées
et incapables de bouger. Contrairement au reste de la classe
qui s'est empressé de fuir la fureur nazie concentrée
dans ces lieux, nous avons toutes deux ressenti un besoin de
nous imprégner de l'atmosphère pesante de ces
salles afin de ne jamais oublier ce que peut engendrer la haine
et la violence.
Nous avons enfin quitté cet endroit et avons franchi
la sortie. " Sortie " est peut être un bien
grand mot car dans un camp d'extermination, il n'y avait qu'une
porte d'entrée sans espoir de retour.
Nous pensions la visite
terminée mais en réalité autre chose nous
attendait. Nous sommes alors descendus jusqu'à l'escalier
de la mort. Cet escalier, véritable supplice pour les
détenus, est constitué de 186 marches. Marches
que nous avons descendues en pensant à ce qu'il s'y passait
il y a quelques décennies.
En effet nous avons appris, qu'autrefois ces marches étaient
totalement inégales et dangereuses, et que les S.S. prenaient
un malin plaisir à pousser le premier détenu afin
de faire tomber toute la file de malheureux. Une fois arrivés
en bas, nous avons découvert une ancienne carrière
où beaucoup d'hommes périrent sous le poids du
travail forcé et l'acharnement de leurs gardiens. De
même, ce site est entouré de falaises, qui autrefois
étaient destinées à l'exécution
de nombreux prisonniers, précipités dans le vide.
Même si la nature a repris le dessus et a rendu toute
la beauté de ce lieu, nous pouvons imaginer l'horreur
de cette carrière.
Lorsque nous nous sommes retrouvés dans le bus chacun
fut surpris de voir que la visite avait duré plus de
trois heures. Il nous a semblé que le temps continuait
à s'écouler à l'extérieur du camp
sans nous atteindre à l'intérieur de l'enceinte.
Mauthausen
Avant de venir à
Mauthausen nous avions reçu plusieurs avertissements
nous prévenant que les camps étaient imprégnés
d'une odeur de mort. Nous ne pouvions alors comprendre ce que
cela signifiait, ni croire à ce que l'on nous racontait.
A présent, en se remémorant ces images gravées
à jamais dans nos mémoires, nous comprenons ce
que l'odeur de mort signifie
Il est impossible de parler de l'émotion ressentie lors
de ce voyage sans revenir sur le témoignage de Monsieur
Gilbert Noailles. En effet cet homme, âgé de 82
ans, est venu à notre rencontre le 7 mars 2006 pour nous
raconter son histoire.
Gilbert est un ancien déporté de Sanguinet qui
a été détenu en captivité dans le
camp de Sachsenhausen durant 27 mois. Il nous a tout d'abord
raconté les circonstances de son arrestation à
la frontière espagnole par les Allemands alors qu'il
cherchait à rejoindre les Forces Françaises Libres,
puis celles de sa captivité dans le camps de Sachsenhausen
. Il se trouvait en effet dans le camp où ont été
élaborées et testées les méthodes
d'organisation, de répression et d'extermination nazies.
Dans ce camp, cet homme
n'était plus qu'un numéro : le 66448 du Kommando
Speer. Il a enduré les pires atrocités, a vu les
pires horreurs mais était tout de même là
pour nous faire partager son histoire.
Il nous a raconté l'arrivée au camps, sous les
coups et les injures, la mise en quarantaine pour apprendre
la discipline du camp. Puis il nous a décrit le "quotidien"
de cette vie pendant 2 ans : le réveil à 4 h 30
ou 5 h 30 en fonction de la saison, les appels interminables,
les maigres "repas" et le travail harassant pour récupérer
des matières premières pour l'industrie de guerre
nazie. Un quotidien où la peur est omniprésente,
peur de l'arbitraire, du sadisme des kapos.
Il nous a parlé de son séjour à l'hôpital
pour cause de broncho-pneumonie. Un lieu où il ne fallait
pas traîner, sous peine de finir au crématoire..
Il nous a enfin raconté les circonstances de sa libération,
le 4 mai 1945, lorsque les allemands les ont abandonnés
après des jours et des jours de marche, alors qu'il était
blessé et ne pesait plus que 35 kilos. Nous avons tous
été impressionnés par la précision
de ses souvenirs, par les détails qu'il a pu nous fournir.
A la fin de son récit, quand il racontait sa libération,
il en est venu à prononcer cette phrase : " j'étais
enfin libre ". Alors l'émotion l'envahit, ce mot
" libre " le fit pleurer. Dans la salle chacun tentait
de cacher son émotion et admirait le courage de cet homme
qui avait devant nous rouvert des plaies pourtant si longues
à cicatriser.
Cet après midi là
fut riche en émotions et en découvertes.
Il nous a montré
l'importance de la discussion et des rapports entre les générations
afin que nul n'oublie, que le souvenir se perpétue et
ne s'efface pas.
Conclusion
Quelques jours après
ce voyage, nous avons eu une discussion avec nos professeurs
et nous nous sommes rendus compte que nous étions tous
revenus grandis. Avec tout ce que l'on avait vu, entendu et
vécu, nous avions désormais une autre image de
la vie, de nos relations avec les autres, des petites querelles
de tous les jours qui nous apparaissent dérisoires maintenant.
L'Histoire nous a permis de comprendre que la haine d'un peuple
différent (que ce soit par ses idées, ses coutumes
ou sa religion) n'engendre que le chaos, la séparation,
la mort et la douleur des hommes, des familles, des innocents
A présent, le but du devoir de mémoire nous paraît
plus clair et indispensable. Cela a permis et permettra aux
générations d'après guerre et futures de
ne pas oublier, de connaître les horreurs et les douleurs
passées. On peut donc espérer que la transmission
du souvenir permettra d'éviter la reconduction des erreurs
passées tels que les camps de concentration et les systèmes
totalitaires nazi ou staliniens et toutes les dictatures militaires.
Plus jamais ça
Nous tenons à remercier
nos professeurs et nos accompagnateurs pour leur investissement
dans ce magnifique voyage, tous nos guides qui nous ont accompagnés
et fait découvrir une partie de l'histoire et pour finir
toutes ces associations d'anciens combattants sans qui notre
voyage n'aurait pas vu le jour.
Stéphanie MESPLEDE
et Anne Alexia CIEUTAT