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le 13-Nov-2020

 

COMPTE RENDU DU VOYAGE DE MEMOIRE


EFFECTUE PAR UNE CLASSE DU LYCEE VICTOR DURUY

DE MONT DE MARSAN EN 2006

EN PARTIE FINANCE PAR LE SOUVENIR FRANCAIS DES LANDES

 

 

Genèse et mise en place d'une idéologie extrême
étude de la montée de la barbarie nazie de 1933 à 1942
au travers des lieux qui ont marqués l'Histoire

 

La nomination de Hitler comme chancelier du Reich par le maréchal Hindenburg, le 30 janvier 1933 fut le point de départ de toute la cruauté et la barbarie nazie.
Le troisième Reich a mis un point d'honneur à "l'aryanisation et la purification du monde", pour cela la violence et la terreur furent employées et ont atteint leur apogée à cette période, avec en particulier les massacres juifs et les tristement célèbres camps de concentration.

Ce voyage nous a replongés au cœur de cette tragique période et nous a fait découvrir l'inimaginable. En effet, la mobilisation et la volonté de tous nos professeurs nous ont permis de visiter de nombreux et émouvants lieux d'exposition de ces affreux souvenirs. Ainsi nous avons parcouru l'Europe à la recherche de ce passé enfoui, dans le cadre du projet du devoir de mémoire.

Plus précisément nous nous sommes rendus au musée de la terreur, au musée de la résistance au nazisme ainsi qu'à la maison de la conférence de Wannsee à Berlin, au quartier juif de Prague, au musée de l'histoire et de la culture judaïque à Vienne, au camp de concentration de Mauthausen et pour finir à Nuremberg, au centre de documentation. Nous nous sommes replongés dans l'Histoire et avons découvert chronologiquement ce qui s'y était déroulé en commençant aux débuts du nazisme avec le musée de la Terreur, puis la résistance, puis le camp de concentration et enfin le procès de Nuremberg.

En plus de ce passionnant voyage riche en émotions nous avons eu la chance de recevoir le témoignage direct de Gilbert Noailles, ancien déporté du camp de Sachsenhausen (Allemagne). C'est, avec le camp de Mauthausen, les éléments qui nous ont le plus émus et le plus marqués.

Le musée
Le musée de la résistance de Berlin nous a été présenté comme le lieu de la mémoire de tous les allemands qui ont osé se dresser contre l'ordre nazi. Une résistance qui se présentait sous diverses manières (refus de faire le salut nazi, impression de tracts, action directe…) et dont l'issue était la mort immédiate ou l'enfermement dans des camps spéciaux de rééducation nouvellement construits : les camps de concentration...
Ce musée a été aménagé au cœur du Bendlerblock qui abrita le Ministère de la marine, puis le siège du commandement de l'armée de terre. Le Bendlerblock devint alors le centre de la résistance militaire, dirigé par le général d'infanterie Olbricht. C'est ici que Olbricht et que le colonel von Stauffenberg transformèrent le plan d'opération "Walkyrie" en un plan de coup d'Etat contre Hitler, le 20 juillet 1944. Hitler ayant survécu à l'attentat avec quelques blessures légères seulement, le régime put réprimer violemment ce coup d'état. Après l'arrestation des conspirateurs au Bendlerblock, le général d'armée Beck fut contraint de se donner la mort. Cette même nuit, Olbricht, von Stauffenberg et d'autres résistants furent exécutés sommairement dans la cour intérieure du bâtiment.

Au cœur de cette résistance, nous avons été frappés par l'histoire de Georg Elser, jeune menuisier, qui fut un des premiers à se révolter. Dès 1938, il était contre la guerre et pensait pouvoir l'empêcher en tuant Hitler. Son plan était de faire exploser une bombe dans la brasserie Bürgerbräukeller de Munich le 8 novembre 1939, là ou Hitler célébrait tous les ans l'anniversaire de sa tentative de putsch en 1923.
A vingt minutes près la tentative échoua. Georg Esler fut arrêté puis déporté à Dachau, où il fut exécuté le 9 avril 1945, quelques semaines avant la capitulation allemande.

Dachau
C'est également là que nous avons découvert la résistance de jeunes étudiants, à peine plus âgés que nous : le réseau de la Rose Blanche. Organisé autour d'Alexander Schmorell, de Sophie et d'Hans Scholl, ce groupe d'étudiants s'est élevé contre le régime totalitaire et l'asservissement des esprits imposés par la dictature, en imprimant des tracts et en traçant des slogans antifascistes sur les murs de Munich. Ils furent dénoncés, arrêtés par la gestapo et exécutés en 1943.

Cette visite fut intéressante et instructive bien qu'elle ne fût pas riche en émotion. L'exposition est constituée de photos-amateurs et non de propagande, elles n'avaient donc pas pour but de diriger les opinions de l'époque.

Par la suite nous nous sommes rendus dans la banlieue de Berlin, à la maison de la conférence de Wannsee dans laquelle a été décidé la solution finale le 20 janvier 1942. Cette décision a eu pour but l'extermination totale des juifs dans les camps de concentration, qui devinrent alors des camps de mort. Quand on se trouve dans cette salle on a du mal à imaginer que des années auparavant, d'autres personnes ont décidé d'exterminer leurs semblables, que des gens ont estimé avoir droit de vie ou de mort sur un peuple qu'ils jugeaient inférieur.

Dans cet endroit on a pu découvrir les visages des participants à cette conférence, des personnes qui à première vue semblent banales mais qui sont pourtant capables d'une immense cruauté comme Heydrich. Il fut chargé par Göering de préparer la "solution finale de la question juive en Europe", soit l'extermination de plus de 11 millions de personnes. Ce 20 janvier 1942, les exécutions de masse avaient commencé depuis 6 mois en URSS et le camp de Chelmno, le premier camp d'extermination était déjà en activité.

Le génocide
L'ordre du jour de cette réunion est le plan du génocide dans sa dimension européenne. Pour la première fois les principaux représentants de la bureaucratie ministérielle et de la SS se rencontrent. Le but d'Heydrich est d'affirmer son rôle de chef des Services centraux de la sécurité du Reich mais aussi de s'assurer de l'indispensable collaboration de tous les ministères dans cette funèbre entreprise . A la surprise d'Heydrich, la solution finale ne fut remise en cause par personne, tous les ministères accordèrent leur bénédiction.

Le délégué du Ministère des affaires étrangères proposa de commencer les déportations dans les pays susceptibles d'offrir des conditions favorables. Quand au délégué du Gouverneur Général de Cracovie, il insista pour que la "solution finale" commence par les juifs de Pologne.
Comme le confirma Eichmann, lors de son procès, tous (sauf deux Secrétaires d'Etat) étaient au courant des déportations et des exécutions massives et tous parlèrent ouvertement des différentes techniques d'extermination.

Après la visite de cette ville allemande, nous avons repris la route en direction de Prague, capitale de la République Tchèque où nous avons découvert les ruelles du quartier juif. Nous avons pu entrer dans deux synagogues, dont celle de Klausen qui nous a particulièrement touchés. En effet à l'intérieur de celle-ci, les murs sont recouverts de noms de juifs tchèques morts durant la guerre. Une salle est destinée aux victimes praguoises et le reste des murs est dédié aux victimes des villages alentours. Cette masse de noms nous replonge dans l'ampleur du massacre de la tyrannie allemande.

Le vieux cimetière juif de Prague est rattaché à cette synagogue. La disposition des tombes dans celui-ci est très surprenante car tout semble éparpillé, désorganisé, surchargé comme si il y avait eu trop de morts d'un coup, et que la place avait fini par manquer.

Notre visite de Prague achevée nous sommes remontés dans le bus et avons poursuivi notre route vers la magnifique ville de Vienne, capitale de l'Autriche. En cette ville où l'architecture particulièrement somptueuse nous a frappés, nous avons visité le musée juif. Ce dernier nous présente les objets de la vie de tous les jours dans la culture juive, et principalement les objets rattachés à la Torah, livre sacré dans cette religion.

Dans ce musée original nous avons tous été marqués par l'émouvante histoire de Lili. Cette petite fille de cinq ans qui, en 1939 a été envoyée en Angleterre par sa mère afin d'échapper au nazisme. Ses parents ont été déportés quelques mois après et ne sont jamais revenus des camps de concentration. Le musée était en possession d'une boite confectionnée par la mère de la petite fille, à l'attention de cette dernière. Le musée s'est donc lancé à la recherche de Lili.
Elle a enfin été retrouvé en 2003 mais a refusé de voir cette boîte car elle avait essayé durant plus de soixante années d'oublier ce passé. Elle a finalement repris contact avec le musée de Vienne en demandant seulement de voir le journal intime de sa mère, elle a fait don du reste au musée. Cette histoire nous montre bien l'impact de cette période sur les familles et le ressentiment qu'il en reste aujourd'hui. A la sortie de ce musée toutes les discussions se dirigeaient vers cette histoire, et les réactions de Lili qui étaient parfois comprises et d'autres fois moins.

Après la visite de Vienne nous sommes arrivés à l'étape la plus éprouvante du voyage : Mauthausen, le camp de mort.
Nous sommes descendus du bus, les pas se faisaient plus hésitants, et l'appréhension pouvait se lire sur les visages. Le froid, le vent et la pluie n'arrangeaient rien aux craintes collectives. Nous nous sommes dirigés vers les portes du camp, et c'est à ce moment-là que des images ont commencé à apparaître dans nos têtes, des images que l'on avait déjà vues mais qui prenaient alors tous leurs sens.

La visite du camp a commencé

D'abord un film nous a expliqué la construction, l'organisation puis la libération des camps. Des images frappantes, choquantes voire même parfois écœurantes.
Après, le musée, une multitude de photos montrant des corps amaigris, de la tristesse dans les regards, des expériences menées sur les prisonniers, des cuves de ce gaz meurtrier… bref des photos et des explications qui nous replongent dans l'atmosphère cruelle du nazisme.
Ensuite on s'est dirigé vers les baraquements. Des couchettes étroites, qui paraissent à la limite du convenable pour une personne. Mais on apprend que c'est une place pour trois voire quatre… Des pièces que les nazis osaient appeler " douches ".

En réalité des espaces insalubres, avec des trous pour faire sortir l'eau à hauteur de ventre, avec des " éviers " vétustes. Autre découverte : l'eau. Cette dernière n'était chauffée que pour les SS, pour les prisonniers l'eau était glacée, quand ils en avaient…

Là d'autres images apparaissent, celles-là plus issues de nos esprits plutôt que de film.

Puis la zone de quarantaine. Enfin ce qu'il en reste puisque celle-ci a été transformée en fosse commune… Dans cette zone étaient " accueillis " les nouveaux arrivants. Ils étaient confinés dans cet espace pendant plusieurs jours voire plusieurs mois afin de les soumettre à la discipline de fer appliquée dans les camps. Bien que ce lieu ne soit plus visible aujourd'hui on s'imagine à la place de ces victimes, les unes sur les autres, sans abri pour se protéger du froid, du vent, de la pluie ou de la neige…
Enfin dernière étape, la plus dure : les fours crématoires et la chambre à gaz. Les SS entassaient dans cette dernière cent personnes, dans un espace de seulement 14m², avant de déclencher le processus de gazage. Quand on rentre dans cette pièce, identique à une salle d'eau, on peut presque entendre les cris de douleur et d'angoisse du passé. Une sorte de malaise général pèse sur les lieux, chacun semble voir des milliers de personnes mortes, ou s'agrippant désespérément au mur. Le moindre bruit paraît incongru et inopportun.
On peut voir également dans ce terrible sous-sol, la salle de dissection et sa table de pierre. Ici on arrachait les dents en or des cadavres avant la crémation. On y découpait même les peaux marquées de jolis tatouages afin de confectionner des abat-jour.

Ce sont ces visions d'horreur qui nous traversent l'esprit, ces choses indescriptibles tellement elles sont atroces… On se dirige alors vers les fours crématoires, où des témoins de l'histoire sont tragiquement partis en fumée à cause de la folie de certains hommes. Nous sommes sorties les dernières de ce lieu, nous étions comme paralysées, choquées et incapables de bouger. Contrairement au reste de la classe qui s'est empressé de fuir la fureur nazie concentrée dans ces lieux, nous avons toutes deux ressenti un besoin de nous imprégner de l'atmosphère pesante de ces salles afin de ne jamais oublier ce que peut engendrer la haine et la violence.
Nous avons enfin quitté cet endroit et avons franchi la sortie. " Sortie " est peut être un bien grand mot car dans un camp d'extermination, il n'y avait qu'une porte d'entrée sans espoir de retour.

Nous pensions la visite terminée mais en réalité autre chose nous attendait. Nous sommes alors descendus jusqu'à l'escalier de la mort. Cet escalier, véritable supplice pour les détenus, est constitué de 186 marches. Marches que nous avons descendues en pensant à ce qu'il s'y passait il y a quelques décennies.
En effet nous avons appris, qu'autrefois ces marches étaient totalement inégales et dangereuses, et que les S.S. prenaient un malin plaisir à pousser le premier détenu afin de faire tomber toute la file de malheureux. Une fois arrivés en bas, nous avons découvert une ancienne carrière où beaucoup d'hommes périrent sous le poids du travail forcé et l'acharnement de leurs gardiens. De même, ce site est entouré de falaises, qui autrefois étaient destinées à l'exécution de nombreux prisonniers, précipités dans le vide. Même si la nature a repris le dessus et a rendu toute la beauté de ce lieu, nous pouvons imaginer l'horreur de cette carrière.
Lorsque nous nous sommes retrouvés dans le bus chacun fut surpris de voir que la visite avait duré plus de trois heures. Il nous a semblé que le temps continuait à s'écouler à l'extérieur du camp sans nous atteindre à l'intérieur de l'enceinte.

Mauthausen
Avant de venir à Mauthausen nous avions reçu plusieurs avertissements nous prévenant que les camps étaient imprégnés d'une odeur de mort. Nous ne pouvions alors comprendre ce que cela signifiait, ni croire à ce que l'on nous racontait. A présent, en se remémorant ces images gravées à jamais dans nos mémoires, nous comprenons ce que l'odeur de mort signifie…
Il est impossible de parler de l'émotion ressentie lors de ce voyage sans revenir sur le témoignage de Monsieur Gilbert Noailles. En effet cet homme, âgé de 82 ans, est venu à notre rencontre le 7 mars 2006 pour nous raconter son histoire.
Gilbert est un ancien déporté de Sanguinet qui a été détenu en captivité dans le camp de Sachsenhausen durant 27 mois. Il nous a tout d'abord raconté les circonstances de son arrestation à la frontière espagnole par les Allemands alors qu'il cherchait à rejoindre les Forces Françaises Libres, puis celles de sa captivité dans le camps de Sachsenhausen . Il se trouvait en effet dans le camp où ont été élaborées et testées les méthodes d'organisation, de répression et d'extermination nazies.

Dans ce camp, cet homme n'était plus qu'un numéro : le 66448 du Kommando Speer. Il a enduré les pires atrocités, a vu les pires horreurs mais était tout de même là pour nous faire partager son histoire.
Il nous a raconté l'arrivée au camps, sous les coups et les injures, la mise en quarantaine pour apprendre la discipline du camp. Puis il nous a décrit le "quotidien" de cette vie pendant 2 ans : le réveil à 4 h 30 ou 5 h 30 en fonction de la saison, les appels interminables, les maigres "repas" et le travail harassant pour récupérer des matières premières pour l'industrie de guerre nazie. Un quotidien où la peur est omniprésente, peur de l'arbitraire, du sadisme des kapos.
Il nous a parlé de son séjour à l'hôpital pour cause de broncho-pneumonie. Un lieu où il ne fallait pas traîner, sous peine de finir au crématoire.. Il nous a enfin raconté les circonstances de sa libération, le 4 mai 1945, lorsque les allemands les ont abandonnés après des jours et des jours de marche, alors qu'il était blessé et ne pesait plus que 35 kilos. Nous avons tous été impressionnés par la précision de ses souvenirs, par les détails qu'il a pu nous fournir. A la fin de son récit, quand il racontait sa libération, il en est venu à prononcer cette phrase : " j'étais enfin libre ". Alors l'émotion l'envahit, ce mot " libre " le fit pleurer. Dans la salle chacun tentait de cacher son émotion et admirait le courage de cet homme qui avait devant nous rouvert des plaies pourtant si longues à cicatriser.

Cet après midi là fut riche en émotions et en découvertes.

Il nous a montré l'importance de la discussion et des rapports entre les générations afin que nul n'oublie, que le souvenir se perpétue et ne s'efface pas.

Conclusion
Quelques jours après ce voyage, nous avons eu une discussion avec nos professeurs et nous nous sommes rendus compte que nous étions tous revenus grandis. Avec tout ce que l'on avait vu, entendu et vécu, nous avions désormais une autre image de la vie, de nos relations avec les autres, des petites querelles de tous les jours qui nous apparaissent dérisoires maintenant.
L'Histoire nous a permis de comprendre que la haine d'un peuple différent (que ce soit par ses idées, ses coutumes ou sa religion) n'engendre que le chaos, la séparation, la mort et la douleur des hommes, des familles, des innocents …
A présent, le but du devoir de mémoire nous paraît plus clair et indispensable. Cela a permis et permettra aux générations d'après guerre et futures de ne pas oublier, de connaître les horreurs et les douleurs passées. On peut donc espérer que la transmission du souvenir permettra d'éviter la reconduction des erreurs passées tels que les camps de concentration et les systèmes totalitaires nazi ou staliniens et toutes les dictatures militaires.

Plus jamais ça …

Nous tenons à remercier nos professeurs et nos accompagnateurs pour leur investissement dans ce magnifique voyage, tous nos guides qui nous ont accompagnés et fait découvrir une partie de l'histoire et pour finir toutes ces associations d'anciens combattants sans qui notre voyage n'aurait pas vu le jour.

Stéphanie MESPLEDE et Anne Alexia CIEUTAT