A commencer par
l'histoire de cette petite fille juive, Anne Franck, qui en se
cachant avec sa famille pour ne pas être arrêtée par les nazi a
écrit son journal intime, aujourd'hui devenu l'un des livres les
plus connu au monde. Cette histoire nous la connaissions tous,
pendant le trajet nous avons même regardé le film sur sa vie que
certains avaient déjà vu. A notre arrivée à
Amsterdam, nous étions tous joyeux, des adolescents
pleins de vie. L'attente avant d'entrer dans qui se trouve à
l'emplacement de l'Annexe était détendue. Nous discutions,
rigolions, nous étions impatients et dynamiques. Cependant, une fois
entrés dans le musée, l'ambiance n'était plus la même. Ça y est nous
y étions... Un petit film d’époque retraçant le pourquoi et le
comment de l'arrivée de la famille Franck à Amsterdam nous a projeté
dans une sombre période. La poursuite de la visite de ce refuge
était silencieuse. Nous étions accrochés à nos prospectus qui nous
décrivaient les pièces que nous traversions. Ici ou là, nous
pouvions trouver quelques archives (des bouts de journaux, des
feuilles, des images, des vieilles photos) qui nous rappelaient que
des gens avaient vécu ici dans le plus grand dénuement. Aux murs
étaient imprimées des phrases extraites du journal de la fillette.
Ces phrases montraient l'évolution des sentiments d’Anne Franck.
L'incompréhension, la frustration, la peur traversaient les murs.
Les pièces étaient vides, aucun
meuble d'époque n'était exposé, juste des marques, des images, ces
phrases, étaient présents. L'angoisse nous étreignait. La chose la
plus marquante, qui nous rappelait le rôle de cachette de cette
maison, était le passage de l'atelier à l’abri. Nous passions
derrière une petite bibliothèque pivotante qui laissait le passage
étroit vers un escalier très pentu. Le silence... le silence est
maître, il nous a envahit, prit jusqu'à la gorge. A chaque pièce,
chacun laissait libre court à son imagination. Nous imaginions la
vie silencieuse dans cet endroit si lugubre. Tous, sans exception,
nous nous sommes identifiés à un des anciens clandestins. Il y avait
comme un goût amer dans nos gorges vers la fin de la visite à la
dernière exposition. Celle-ci faisait le portrait de chacun des
habitants de l'Annexe jusqu’à la fin de leur histoire, leur
déportation dans les différents camps et leur mort. Pour moi, le
goût amer s'est alors accentué une fois arrivé devant le portrait
d’Anne Franck. A la sortie, nous attendions que tout le monde sorte
du musée. L'ambiance à l'extérieur n'était plus la même. Pendant les
minutes suivant la visite, dehors, au froid, le dégout et l'angoisse
étaient encore en nous. C'est vraiment un lieu à aller voir, il faut
se rendre compte en partie de ce qu'a été l'horreur de cette vie
pour réellement comprendre ce qu'est le devoir de mémoire.
Le but de ce voyage était bien évidemment
d’approcher de plus prés les lieux où l’Histoire avec un grand
« H » s’est écrite mais aussi de comprendre les raisons du
déclenchement d’une telle haine. C’est pour cela que nous nous
sommes immergés dans la culture juive, qui pour beaucoup d’entre
nous nous était inconnue et pour essayer de comprendre pourquoi
cette communauté a été la principale victime de l’obscurantisme.
C’est pour cela que notre voyage est également passé par Berlin et
Prague.
Berlin est un des
symboles de la Seconde guerre mondiale. Elle conserve de nombreux
stigmatesdes combats et elle s’efforce de témoigner de la Shoah que
se soit au travers du mémorial de la Shoah à côté de la porte de
Brandebourg ou du musée juif de Berlin dont nous avions étudié
l’architecture en classe.
Ce musée se compose de trois axes
différents. L’axe de l’holocauste : Il est
troublant de contempler ces jouets, ces peluches, ces livres
abandonnés par les enfants juifs déportés qui parsèment un long
couloir. On imagine ce qu’ils pouvaient représenter pour ces
enfants, si on leur à offert pour leur anniversaire, leur tristesse
lorsqu’il n’a pas eu le temps de l’emporter avec eux … Cette
sensation de gène est renforcée par le fait que toutes les
lignes du musée, que ce soit celles du plafond, des murs, ou du sol,
sont penchées. C’est assez dérangeant puisque le trouble mental que
l’on éprouve est renforcé par le trouble physique. Comme si le
premier provoquait le second. Cet axe de l’holocauste mène à la tour
de l’holocauste. On rentre dans une sorte de bunker, vide, dont les
murs en béton sont vierges. Il n’y a pas de fenêtres, seulement une
ouverture étroite dans un des coins. De l’autre côté, on aperçoit
une échelle mais elle est trop haute pour que quiconque puisse
l’atteindre. Tout le groupe est enfermé dans cette petite salle. En
silence. Une sorte de malaise s’installe. Nous savons bien
évidemment que nous allons sortir mais nous nous sentons, durant
quelques minutes, enfermés et pris au piège. Lorsque nous sommes
sortis de la tour, nous étions soulagés. Comment imaginer que des
gens ont vécu dans ces conditions durant plusieurs
années ? L’axe de l’exil : Le couloir est
toujours instable, cependant les murs blancs sont entièrement vides.
Ce couloir mène au jardin de l’Exil. C’est une sorte de petite
cour entourée de murs de béton brut. Ce lieu est lumineux
contrairement à l’intérieur du musée mais on ne peut y percevoir
l’extérieur. Il se compose de 49 colonnes. 48 sont remplies de la
terre d’Israël et une seule est remplie de la terre de Berlin. Le
sol et les piliers sont inclinés, ce qui renforce l’idée
d’instabilité ressentie jusque là et qui caractérise l’histoire du
peuple juif. L’axe de la continuité : Celui-ci
incarne l’histoire et la culture du peuple juif indépendamment ou à
travers de l’holocauste. Ce qui m’a le plus impressionné ce
sont les coutumes juives telles que le Sabbat dont évidemment
j’avais entendu parler mais dont je ne connaissais pas le sens. Il
me semble qu’il est plus facile d’envisager le devoir de mémoire, de
comprendre ce que ce peuple a vécu quand on connaît ses coutumes,
ses habitudes. On se sent plus proche d’eux. Enfin nous sommes
allés voir l’œuvre de Manishe Kadishman. Des piliers traversent les
cloisons de part en part et cisaillent notre passage. Nous arrivons
dans une salle sombre dont les seules ouvertures se situent
plusieurs mètres au-dessus de nous. Le sol est jonché de pièces
métalliques imitant des visages humains, la bouche ouverte. Cela
donne l’impression qu’ils poussent un cri inaudible. La seule façon
d’entendre ce cri est de traverser cette salle en marchant sur ces
visages. C’est une impression horrible puisque chaque pas provoque
un bruit strident, comme un hurlement. Comme si l’on se trouvait au
beau milieu d’un charnier, qu’on salissait une fois de plus la
mémoire du peuple juif. La traversée est de plus en plus difficile,
les bruits résonnent de plus en plus forts et la pièce qui mène a un
cul de sac, est de plus en plus sombre. Le musée juif est plus
qu’un musée classique, il nous propose une visite documentaire mais
également sensitive. Puisque l’on ressent l’horreur de l’holocauste
aussi bien moralement que physiquement a travers l’architecture. Ce
n’est pas seulement un musée, c’est aussi une œuvre commémorative.
Il est frappant de constater que l’Allemagne
regarde son passé en face et met à notre disposition de tels outils
pédagogiques pour comprendre ce que fut le quotidien sous le régime
nazi. Les musées de Wannsee et de Nuremberg en sont deux
exemples.
Le premier abrité par la villa
Marlier est le lieu où s'est tenue la conférence de
Wannsee avecHeydrich et Eichmann. Cette conférence
a non seulement servi à mettre en place la solution finale mais
aussi à la faire accepter par les industriels et les financiers
allemands. Cette magnifique demeure imposante, aux allures
extérieures un peu coloniales était en totale opposition avec
l'horreur des évènements passés à l'intérieur. Aujourd’hui elle
abrite une exposition qui montre les rouages de cette macabre
entreprise et les conséquences pour ceux qui en furent les
victimes. Nous avons pu y voir, entendre des témoignages de
survivants, et nous avons réagi amèrement lorsque nous avons lu un
témoignage d'une descendante de Himmler qui expliquait qu'à l'école
lorsqu'en cours d’histoire ils avaient parlé de Himmler qui avait
mis en place la solution finale avec Hitler et les autres, ses
camarades s'étaient rendus compte qu'elle faisait partie de la même
famille. C'est bizarre de se dire qu'il y a des descendants directs
et vivants des principaux responsables du plus grand génocide de
l'histoire mais nous nous en sommes bien rendu compte dans ce
lieu.
Le centre de documentation sur le nazisme installé
au palais des congrès de Nuremberg édifié par
Hitler rappelle que c’est ici que les origines du nazisme ont vues
le jour, comment cette doctrine s'est mise en place, s'est répandue,
quels en sont les bases, les principes, les fondements, les
applications, les idéaux, l'organisation. Autour du culte d’Adolph
Hitler s'est forgé un empire nazi ravageur, qui a aboutit à un
massacre des plus inhumain de l'histoire mondiale. Ce centre nous
montre l'évolution du nazisme jusqu'à son apogée. En continuité avec
ce centre, nous sommes allés au stade Zeppelin juste à coté. C’est
ici que des milliers d’allemands fanatisés se rassemblaient dans de
gigantesques parades nazies. C’est à cet endroit précis
qu’Hitler s'adressait à une marée humaine, noire et rouge, qui le
vénérait. Etre sur cette estrade où cet homme s'est adressé à une
foule de nazis aspirait presque à du dégout de soi. À l'endroit où
la foule se tenait, où elle écoutait cet homme leur adresser la
parole, se tiennent aujourd'hui des terrains de football. L'histoire
reste omniprésente mais semble vouloir être estompée. Nuremberg a
conscience qu'elle a été un phare du nazisme et sans l'oublier elle
ne veut surement pas être tenue pour responsable. C'est
l'interprétation possible que nous pouvons en tirer après ce voyage.
Il est sur que l'histoire est gravée. L’histoire est là, encore
maintenant, elle est loin d'être oubliée.
Prague quant à elle conserve de
nombreuses traces de l’holocauste, notamment la synagogue
Pinkas, où les noms des 80 000 victimes du génocide
juif sont gravés sur les murs. Notre visite nous a conduit dans deux
autres synagogues (la synagogue Maisel et la synagogue espagnole)
Ces synagogues sont assez imposantes et impressionnantes, notamment
l’espagnole qui est magnifique. Comme dans tous lieux de culte, le
silence est imposé ce qui ne nous laissait d'autres choix que
d'admirer les constructions, les décorations, les objets de culte en
vitrines, les symboles, de regarder les gens croyants ou visiteurs.
Nous avons aussi pu également visiter le cimetière juif de la
synagogue Pinkas. On nous a expliqué qu'il n'y avait pas de place,
alors on entassait les tombes, les pierres tombales, sans aucune
organisation comme dans les cimetières chrétiens. Ce cimetière était
différent, les pierres étaient marquées par le temps, par la pluie.
Nous pouvions y voir les couleurs de l'automne, en plein hiver,
dégoulinantes sur les pierres usées. Chaque pierre tombale avait sa
propre couleur, ternie par le temps qui passe et par les coulures
successives. Ce cimetière débordant de pierres désordonnées, a une
âme, un charme, et à notre grand étonnement, nous ne pouvions nous
empêcher de le trouver beau.
L’une des visites qui ma également le plus marqué
est celle de la petite forteresse de Theresienstadt
qui se trouve en République Tchèque. En effet cette forteresse a été
transformée pendant la Seconde guerre mondiale, en camp de
concentration par les nazis.
Nous avons durant cette visite,
fait le même chemin qu’on pu faire les prisonniers dans la
forteresse. Nous avons donc commencé par les bureaux où les
prisonniers devaient laisser leurs effets personnels. Nous avons
ensuite rejoint une petite cours où se trouvaient les dortoirs. Ici,
notre guidenous a expliqué qu’on faisait se battre les prisonniers
jusqu’à la mort pour divertir les familles des SS. Nous sommes
ensuite rentrés dans les dortoirs. Le plus grand en premier. Nous
sommes ensuite allés dans le dortoir réservé aux prisonniers juifs.
C’est une pièce toute petite, ou plus de 40 prisonniers étaient
enfermés, une seule fenêtre qui devait rester fermée. Une seule
bouche d’aération, les prisonniers les plus éloignés de celle-ci
mouraient d’étouffement. Ils ne pouvaient pas se coucher, il n’y
avait pas assez de place.
Nous poursuivons notre visite par
celle des cellules individuelles, pour les prisonniers les plus
importants. Il n’y a pas de fenêtres. Nous pouvons rentrer dans
toutes ces pièces, les toucher. C’est évidemment tout à fait
différent de voir les images dans des livres et d’y être pour de
vrai. On imagine les détenus, on se dit qu’ici des gens sont morts,
qu’ils étaient enfermés ici et qu’ils n’imaginaient pas qu’un jour
on visiterait le lieu où ils ont souffert. Nous sommes ensuite allés
voir les douches, où les prisonniers allaient une fois par semaine.
Ils devaient confier leurs vêtements pour qu’ils soient désinfectés.
Ils entraient ensuite des les douches, reprenaient leurs vêtements
encore mouillés et retournaient dans leur cellule. C’est difficile
d’imaginer tout cela. Juste à coté, une salle, des lavabos, des
miroirs. La première marque de confort que l’on aperçoit. Mais cette
pièce n’a servie qu’une fois, le jour où le camp a était visité par
la croix rouge. Ce camp était en fait un « camp témoin »
que les nazis utilisaient pour faire taire les rumeurs qui
circulaient à propos des camps et endormir l’opinion publique.
Nous avons ensuite emprunté un long souterrain menant au lieu
d’exécution. La potence et le mur des fusillés sont conservés pour
témoigner des crimes qui ont été commis ici. Juste de l’autre côté
du mur, s’étend le lieu de vie des familles des SS. Un cinéma, un
magasin et même une piscine alors qu’à quelques mètres des gens
étaient exécutés, torturés, lapidés par leurs propres compagnons qui
y étaient obligés. C’est peu être ce que j’ai trouvé de plus
terrifiant dans la petite forteresse de Theresienstadt. Le fait que
des gens vivaient dans des conditions insupportables, traité comme
des animaux alors qu’à quelques mètres de là, des enfants jouaient
et assistaient à cela comme à un spectacle.
Chaque site visité pendant ce voyage a sollicité
notre mémoire. Elle nous rattrapait pour nous rappeler de «surtout
ne pas oublier». Cette impression semble pour nous beaucoup plus
important maintenant que nous avons été sur les lieux. Nous savions
que ce voyage ne serait pas facile, ne serait pas drôle avec le
programme que nous avions mais nous sommes tous revenus heureux
d'avoir pu voir cela. Pendant dix jours, l'angoisse, le dégout, la
peur, l'effroi, la haine, sont des sentiments que nous avons
côtoyés, que nous avons frôlés, que nous avons tenté de comprendre,
d'expliquer. Cela nous a permis de comprendre le courage, le mérite,
la reconnaissance de tous ceux qui ont subi l’expérience des camps.
Les juifs évidemment mais également tous ceux qui étaient considérés
comme opposants ou dangereux au régime nazi. Il est certain que
ce voyage nous a tous marqués, choqués, impressionnés, et les
adjectifs en tout genre seraient en passe de qualifier cette semaine
épuisante moralement et physiquement. Il nous a permis de nous
imprégner de l’Histoire que l'on se doit de ne pas oublier et ainsi
perpétuer le devoir de mémoire. Cet acte est quelque chose de
personnel. Chacun de nous garde dans sa mémoire des souvenirs des
lieux qui nous ont le plus marqué. A nous de poursuivre la chaine de
la mémoire.
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